La profession de chercheur


Vous avez sûrement déjà entendu parler de cette profession qui est souvent mal connue. Je profite du fait que depuis quelques années c'est mon métier pour vous expliquer un peu de quoi il s'agit.

D'abord pour commencer, je vais tenter de casser un préjugé courant : les chercheurs ne sont pas (tous) des Einstein.

et surtout

Les médias donnent vraiment une idée très partielle du travail du chercheur, souvent parce qu'ils ne mettent en lumière que les résultats de la recherche et pas tout le processus qui a permis d'y aboutir, et puis parce qu'ils ne s'intéressent qu'aux chercheurs dont les travaux font "rêver" le quidam. Mais dans la réalité, un chercheur, qu'est-ce que c'est vraiment ?

D'abord, on pourrait penser que l'on devient chercheur aprés de longues longues études. C'est pas loin d'être vrai, mais non. Les chercheurs sont souvent chercheurs bien longtemps avant de finir leurs longues études, et parfois même avant de les commencer ! Parce qu'un chercheur n'est rien moins que quelqu'un qui se pose des questions et qui s'attèle à en trouver des réponses. Comme on peut bien évidemment se poser des questions sur tout et n'importe quoi, il y a des chercheurs dans tous les domaines de la connaissance concernant le monde, les êtres vivants, les échanges entre eux, les idées, les machines : la physique, la chimie, l'environnement, la géologie, la géographie, l'astronomie, la biologie, la botanique, la zoologie, l'éthologie, le langage, la sociologie, la psychologie, l'économie, les mathématiques, la philosophie, la politique, la théologie, l'histoire, l'informatique, l'ingénierie, etc.

Comme je viens de l'indiquer pour être chercheur, il faut commencer par se poser des questions. On appelle cette qualité première du chercheur la... curiosité ! C'est très important. Si l'on n'est pas curieux, on ne pourra jamais devenir chercheur.

Ensuite avant de trouver la moindre réponse il faut maîtriser un minimum l'art du raisonnement. En effet, la réponse ne vient généralement pas toute cuite... à moins que quelqu'un ne l'ait déjà trouvée auparavant. Dans ce cas, il faut fouiller dans des livres ou sur la plus grande source de connaissance au monde, l'internet, pour la trouver. Mais souvent, la réponse trouvée n'est pas à 100 % satisfaisante, ou ne répond pas exactement à la même question, voire est carrément fausse. C'est là qu'intervient une autre grande qualité du chercheur (qui devrait être partagée par tous) : l'esprit critique. Par l'expérience accumulée et l'expertise, le chercheur va toujours chercher à vérifier la validité de ce qu'il lit ou entend. En effet, il ne peut bâtir son raisonnement que sur des connaissances réputées valides. Là il peut se lancer dans la construction d'un modèle, d'une théorie. Quant il lui manque des données; il doit les produire à partir de l'expérience qui permet de réaliser des mesures. Tout cela va permettre de valider ou non la théorie. Si la théorie imaginée est fausse, il faut la reprendre, l'améliorer ou l'abandonner.

Par exemple, une vieille théorie expliquait que la Terre était plate et tout le monde se demandait comment les océans faisaient pour ne pas se vider quand ils de trouvaient près du bord de la Terre. Mais finalement, on a abandonné cette théorie quand on en a trouvé une meilleure qui réglait la question du maintient de l'eau dans les océans (et plein d'autres questions mineures) simplement en observant le mouvement du soleil, des étoiles, des ombres portées : la Terre est sphérique. L'expérience et le raisonnement d'un chercheur ont permis d'aboutir à cette conclusion bien avant que l'on photographie notre planète bleue depuis un engin spatial pour nous prouver visuellement que c'était bien vrai.

Mais revenons à la profession de chercheur. Effectivement pour être un bon chercheur, il faut avoir fait de longues études supérieures dans de nombreux domaines, essentiellement pour acquérir les raisonnements propres à la science, les connaissances propres à la discipline qui intéresse plus particulièrement le chercheur, et plein d'autres connaissances a priori inutiles, mais sait-on jamais ?... Oui, car les meilleurs chercheurs sont souvent ceux qui possèdent des raisonnements qui ne sont pas habituels dans leurs disciplines, qui apportent de nouvelles connaissances, de nouvelles théories révolutionnaires.

Concrètement, on est chercheur quand on est reconnu comme tel par les autres chercheurs. C'est le principe de la "communauté scientifique". Cette reconnaissance commence par le premier diplôme du chercheur : le doctorat. Pendant trois ans, parfois plus, le jeune chercheur creuse une question très pointue pour en tirer tout ce qu'il peut et obtenir des résultats probants. Il doit rédiger un long mémoire (de 150 à 400 pages selon les disciplines) qui sera relu par deux professeurs à l'esprit critique aiguisé qui finiront par dire si le travail réalisé et présenté par écrit prouve qu'ils ont affaire à un vrai chercheur (et pas à un rigolo, ni à un imposteur, ni à un copieur). Si tout est OK, le jeune chercheur présente son travail devant un jury de chercheurs sous la forme d'un grand oral. Cette soutenance de thése, qui couronne trois ans (ou plus) de travail, se compose d'une présentation d'environ trois quarts d'heure puis d'une séance de questions qui peut durer une heure et demi à deux heures. Le tout se termine en apothéose lorsque le jury décerne le diplôme et que tout le monde se retrouve autour d'un verre à grignoter des petits fours.

Notez que ces dispositions peuvent varier d'une discipline à l'autre et qu'elles peuvent être très différentes dans d'autres pays.

Avant même d'être diplômé, le jeune chercheur fait déjà un travail de chercheur. D'abord il défini son sujet de recherche, à la recherche de LA question (la problématique). Pour cela, il doit lire des livres, des articles scientifiques, discuter avec d'autres chercheurs, et faire une synthèse de tout ça que l'on appelle parfois "état de l'art". Quand le chercheur tient sa problématique, il se lance dans la recherche de... la méthode qui va lui permettre d'y apporter des réponses. C'est là qu'il s'agit de faire preuve d'imagination, d'inventivité. C'est de l'exploration intellectuelle. Ensuite, il faut mettre en œuvre la méthode et c'est certainement la partie la plus ingrate. Bien sûr, ça ne marche pas ! En tous cas, pas du premier coup. Il faut souvent revoir la copie, essayer de nouvelles choses, utiliser des astuces. On peut pourtant faire de grandes découvertes au cours de cette phase (voyez par exemple la découverte de l'effet des micro-ondes sur une barre de chocolat).

Lorsqu'il tient un résultat intéressant plutôt bien établi, il faut en profiter pour "le mettre en boîte" (si je puis dire). En pratique, ça revient à le présenter aux autres chercheurs que ça pourrait intéresser. Il faut préparer une communication qui pourra être présentée à l'occasion d'un séminaire ou, mieux, d'un congrès national ou international. Pour cela, il va rédiger d'abord un court résumé de ce qu'il souhaite présenter. Si ce résumé convient aux organisateurs du congrès (par exemple), il rédige ensuite un article de 6 à 8 pages, qu'il soumet à nouveau aux organisateurs. Si son article plaît, il pourra le présenter oralement, son nom apparaîtra dans le programme du congrès et son article sera diffusé à tous les participants du congrès. Si son article plaît moins, il aura peut-être droit de présenter une affiche (qu'on appelle communément poster, mais en moins décoratif que ceux que les ados mettent dans leur chambre). Le poster constitue le lot de consolation, souvent réservé aux doctorants.

à suivre...

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