Mon retour en Tunisie nouvelle |
9 ans.
9 ans que j'avais terminé ma coopération à Tunis.
9 ans que j'avais quitté ce pays qui m'avait accueilli, qui m'avait ouvert à des réalités insoupçonnées, qui m'avait tant appris sur sa culture et sur moi-même. Je l'avais quitté avec un sentiment complexe, un "je t'aime, moi non plus", à la fois attiré par un cadre de vie fascinant et hors du temps (la médina de Tunis) et désemparé face aux difficultés à comprendre la langue et les moeurs d'un peuple si différents de ce que j'avais pu connaître jusqu'alors. Depuis je restais très attaché à ce pays et à ses habitants mais étonnamment sans réelle envie d'y retourner. Je voulais tourner la page et me construire ici, chez moi, en France. Et puis, là-bas, c'était une dictature tranquille, invisible, qui dirigeait, qui asservissait, qui opprimait, qui réprimait, qui limitait la liberté dans certains domaines et tout particulièrement celui de l'expression individuelle et collective.
Pourtant, en ce mois de juillet 2011, je me suis décidé à retourner sur les traces de mes propres pas, à la recherche de mes souvenirs passés et à la rencontre de la Tunisie nouvelle, cette Tunisie 2.0 qui a eu la force de crier DÉGAGE à son vieux dictateur de président à vie.
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Une porte typique dans la médina de Tunis (place du tribunal) |
Acropolium à Carthage (avec un souvenir de la révolution) |
Le minaret ottoman de la mosquée Sidi Ben Arous, l'un des plus beaux de Tunis |
À partir du moment où j'ai posé le pied à l'aéroport de Tunis-Carthage, tous mes souvenirs sont progressivement revenus, sauf l'astuce permettant de ne pas se faire arnaquer par les taxis de l'aéroport. Eux n'ont vraiment pas changé. Naturellement, durant mes premiers jours à Tunis, mes pas ont retrouvé les rues qui m'étaient familières, notamment celles de la médina de Tunis, ces rues que je parcourais à l'époque les yeux fermés. Ces rues n'ont pas bougé en 9 ans même si certaines boutiques ou certains commerçants ont changé. Seule une partie de la médina a été rénovée. Mais les envahissants portraits du président mafieu ont disparu. Les seules traces qui restent de lui sont quelques graffiti vengeurs écrits sur les murs. Parfois, c'est le portait du président Bourguiba qui a repris la place de celui du voleur. Signe que la stabilité n'est pas acquise, quelques militaires stationnent encore en quelques points stratégiques de la ville : devant le premier ministère et le ministère de l'intérieur, devant l'ambassade de France. Les autres traces de la révolution sont peu visibles. Il y a bien entendu ces bâtiments incendiés, aujourd'hui à l'abandon, qui hébergeaient les sections du partie présidentiel, le RCD, en particulier le building de l'avenue Mohamed V à Tunis. Le mobilier urbain a aussi subi quelques retouches, comme la suppression de tous les "7", chiffre fétiche de l'ancien régime, et le changement de certains noms de rues ou de places (les "7 novembre" sont devenus des "14 janvier"). Évidemment, le nouvel aéroport d'Enfida a oublié le nom du président dont il s'était vu affubler.
La Révolution est passée (du moins le sommet de la vague) et elle a bouleversé le peuple tunisien et ses habitudes. En particulier, les Tunisiens sont maintenant capables de discuter de politique n'importe où et n'importe quand, chose que je n'avais jamais vue auparavant. Les nouvelles autorités, dites "de transition", organisent une grande consultation destinée à désigner les citoyens qui vont composer la future assemblée constituante, cette assemblée qui sera chargée de rédiger la nouvelle constitution de la Tunisie. Un gros travail en prespective. Mais cette volonté forte de la part des autorités de transition d'initier un mouvement démocratique se heurte à la méfiance ou a l'indifférence des citoyens qui se sont peu mobilisés lors que la période d'inscription sur les listes électorales. La transition démocratique prendra du temps mais j'ai eu l'impression que les citoyens tunisiens la souhaitaient et l'attendaient avec impatience. Seulement, ils sont confrontés aux difficultés du quotidien qui ont encore empiré à l'occasion de la révolution : chômage, pauvreté, etc.
En plus de tout cela, le peuple tunisien a tendu la main aux ressortissants libyens qui ont fui leur pays en lutte contre une autre dictature. Et il n'est pas simple de s'organiser dans ces conditions : des camps d'accueil de réfugiés ont été mis en place dans le sud du pays, à proximité de la frontière libyenne, mais de nombreux Libyens sont répartis dans toute la Tunisie, comme en vacances forcées, ce qui déstabilise provisoirement les modes d'approvisionnement du pays. En particulier, durant mon séjour, une pénurie de bouteilles d'eau minérale et de sucre touchait Sfax, puis le Sahel (la côte touristique) où de nombreux Libyens ont pris la place des touristes. En effet, cet été les touristes ont déserté la Tunisie. Un coup dur pour la pays qui tire une bonne partie de ses revenus des touristes qu'il accueille toute l'année, mais une aubaine pour les réfugiés libyens (et pour moi !).
Durant ce séjour, je n'ai cessé de faire des rencontres, de découvrir des lieux enchanteurs, chargés d'histoire (antique, médiévale, coloniale, contemporaine), empreints de cette passionnante culture tunisienne. Merci, merci, merci à toutes celles et à tous ceux qui m'ont ouvert leur porte, qui m'ont accueilli à leur table, qui m'ont offert à boire, qui m'ont transporté. L'accueil tunisien est une réalité que j'ai pu expérimenter tous les jours. C'est la vraie richesse, inépuisable, de la Tunisie.
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